Le Congrès AFEA 2018, portant sur le thème « L’Amérique à la loupe : poétique et politique du détail », se tiendra du ​22​ au ​25 mai 2018 ​à l’université de Nice.

Dans cette perspective, un appel à communication est lancé sur « Le détail qui compte : microhistoire et pratiques historiennes, nouvelles voies dans les études en civilisation américaine ».

Modalités de soumission :

La date limite d’envoi des propositions de communications aux directeurs d’ateliers est fixée au 15 janvier 2018.​ ​

Veuillez envoyer vos propositions de communication (max. 300 mots) accompagnées d’une courte biographie à lawaje@gmail.com et claire.bourhis-mariotti@orange.fr.

Le détail qui compte : microhistoire et pratiques historiennes, nouvelles voies dans les études en civilisation américaine

Lawrence Aje (Université Paul-Valéry Montpellier 3) et Claire Bourhis-Mariotti (Université Paris 8)

En visant à identifier et à isoler les moindres composantes d’un ensemble pour en (dé)/(re)construire le tout, l’approche par le menu détail semble être la seule à même de restituer la complexité de réalités historiques passées et ainsi de réaliser l’écriture d’une histoire totalisante et inclusive. L’accent placé de façon croissante sur des spécificités locales, sociales, raciales et de genre, qui naguère relevaient du détail dans l’historiographie traditionnelle de facture structuraliste et de portée macro-historique, semble désormais être un prérequis à toute étude historique jugée sérieuse. Si, dans les années 1960, l’approche quantitative (cliometrics) adoptée par les new social historians vise à asseoir davantage l’histoire comme une discipline scientifique, en se nourrissant de données – détails numériques réputés objectifs –, elle ambitionne également de rendre compte, par un renversement de paradigme, de l’expérience historique de populations jusque-là ignorées par une historiographie portant majoritairement sur des questions politiques, économiques ou sur des grands hommes. Sous l’impulsion de la bottom up history on assiste aujourd’hui à un retour de l’histoire-récit, de la biographie et de l’histoire narrative appliquées aux petites gens, autrement dit, à une histoire de nature plus qualitative mais qui se revendique toujours de tradition sociale. Alors que par une approche sémiotique et dans une logique de déconstruction, le « tournant linguistique » vise à interroger la représentation discursive de la réalité historique, sous l’effet du « tournant culturel » les chercheurs ont perçu un matériau exploitable dans des pratiques culturelles jusque-là reléguées à la marge. Les études se revendiquant d’une approche intersectionnelle ont mis en évidence combien des particularités de genre, de race et de classe sont déterminantes dans l’expérience historique, tout en interrogeant la nature socialement construite des catégories socio-raciales réifiées en en montrant leur complexité et leur historicité. Les appels récents à faire évoluer la désignation terminologique des acteurs sociaux et historiques issus de groupes subalternes, à l’instar de la substitution progressive de « slaves » par « the enslaved » ou de « slave owners » par « the enslavers », voire de « sub-Saharan Africa » par « Africa south of the Sahara » soulignent le besoin grandissant de prendre en compte des considérations qui semblaient précédemment anodines et relever du détail. Cependant, si une approche par le menu détail ouvre la voie à la discrétisation de classes tenues jusque-là comme monolithiques et permet de donner de l’épaisseur aux acteurs socio-historiques ou à des événements longtemps perçus comme mineurs ou marginaux, ce resserrement de la focale, notamment lorsqu’il est nourri par le projet d’une écriture de l’histoire de nature compensatrice, peut paradoxalement contribuer à accorder une valeur représentative et exemplaire à des parcours individuels ou de groupes atypiques en les magnifiant.

En se concentrant sur les recherches historiques portant sur l’aire étatsunienne, cet atelier propose une réflexion sur la question des sources et de l’écriture de l’histoire de populations historiographiquement minorées en raison du caractère parcellaire des archives les concernant. Il souhaite étudier les nouveaux cadres épistémologiques et méthodologiques induits par la prise en compte du détail dans leur étude. Quelle est la valeur qualitative du détail lorsqu’elle s’applique à des populations mal documentées sur le plan archivistique ? Dans quelle mesure une approche par le détail et le singulier offre- t-elle un bouleversement réel de la perspective en permettant de restituer des réalités historiques et en y insufflant une orientation nouvelle ? L’avènement de l’outil informatique procure-t-il une réelle plus-value aux chercheurs, notamment dans la compilation et l’agrégation d’informations parcellaires, ainsi que dans la plus grande accessibilité aux ressources primaires numérisées ? L’accumulation de détails permet-elle, par un effet de démultiplication, de former un tout cohérent tout en donnant chair à des catégories sociales réifiées et désincarnées ? La réduction de la perspective à l’échelle du détail, qu’elle se traduise par du personnel, du singulier ou du local, contribue-t-elle à la fragmentation de l’histoire globale en interdisant toute généralisation d’ordre universel et en condamnant inexorablement la production du savoir sur la voie du relativisme ? Voilà quelques unes des questions auxquelles cet atelier tentera de répondre.

Every detail matters : microhistory and historical practice, new paths in American Studies

Lawrence Aje (Université Paul-Valéry Montpellier 3) and Claire Bourhis-Mariotti (Université Paris 8)

By focusing on the components of a larger unit in order to (de) / (re) construct the whole, a microhistorical approach seems to be the only means for historians to restore the complexity of past historical realities and to achieve the writing of a more comprehensive and inclusive history. Focalizing on local, social, racial and gender specificities – which in the past had been neglected by traditional macrohistorical studies – now seems to be a prerequisite for writing any serious historical study. In the 1960s, the quantitative approach (cliometrics) adopted by “new social historians” aimed at establishing history as a scientific discipline based on data analysis – numerical details that were supposedly objective. It also endeavored to account for the historical experience of marginalized or “insignificant” populations hitherto neglected by a historiography that had mainly been concerned with political or economic issues or with great men. As a result of the “bottom-up” approach embraced by a number of social historians since the 1970s, we are now witnessing the return of narrative history and biography applied to the common folk – in other words, a social history of a qualitative type.

While the “linguistic turn” aims at questioning the discursive representation of historical reality, the “cultural turn” has encouraged researchers to consider marginalized cultural practices as reliable historical material. Studies that adopt an intersectional approach have highlighted how gender, race and class specificities are crucial in the historical experience, whilst simultaneously questioning the socially-constructed nature of reified socio-racial categories by showing their complexity and their historicity. Recent calls to change the terminological designation of social and historical actors who belong to subordinate groups – such as the progressive substitution of “slaves” by “the enslaved”, or “slave owners” by “the enslavers”, or even “sub-Saharan Africa” by “Africa south of the Sahara” – illustrate the growing need to take into account what was previously deemed trivial or insignificant. However, if a focus on the detail, or on the parts of the sum, may allow to analyze groups as being composed of discrete elements rather than as being monolithic, and to take into account socio-historical actors or events that had been long been considered to be minor or marginal within the larger historical narrative, this reduction of scale may paradoxically contribute to give a representative and exemplary value to individuals or atypical groups by magnifying them. This may especially hold true when microhistory is undertaken in the context of reparative history endeavors.

This workshop seeks to engage in a reflection on the question of sources and the writing of the history of groups that have been marginalized by historiography due to a scarcity of archival records. It seeks to analyze the extent to which new epistemological and methodological frameworks that focus on the detail have changed how these populations are studied. What qualitative value can be granted to the detail when it applies to historical actors that have been marginalized as a result of their relative absence in the archives ? To what extent does an attention to detail enable a shift in perspective by allowing to uncover neglected historical realities ? How can researchers benefit from the advent of accessible digitized primary sources that enable the compilation and computation of fragmentary information ? Does the accumulation of details allow to build a coherent whole and also enable to breathe life into reified and disembodied social categories ? Can it be argued that scale reduction necessarily contributes to the fragmentation of global history and partakes in hindering universal generalization, thus condemning the production of knowledge on the path of relativism ? These are some of the questions we encourage panelists to address.

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