à Saint-Laurent du Maroni, Guyane française, du 18 au 21 novembre 2013.

ARGUMENTAIRE

L’ A-P-F-O-M (Association des Populations des Fleuves Oyapock-Maroni) avec le concours du groupe de recherche A-I-H-P-GEODE (Archéologie Industrielle, Histoire et Patrimoine/ GEOgraphie- Développement Environnement de la Caraïbe) de l’Université des Antilles et de la Guyane, du CIRESC (Centre International de Recherches sur les ESClavages), du CNPMHE (Comité National Pour l’Histoire et la Mémoire de l’Esclavage ), de l’A-P-H-G-G (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie de la Guyane), proposent un colloque interdisciplinaire sur la question des « Marronnages et de leurs productions sociales, culturelles dans les Guyanes et le bassin caribéen du XVII ème au XXème siècle : bilans et perspectives de recherche. Mémoires, patrimoines, identités et histoire ».

Ce colloque multidisciplinaire veut explorer le marronnage dans les colonies esclavagistes des Amériques et des Caraïbes dans une perspective globale comparée, afin de déterminer les grandes lignes de rencontres et de divergences. D’après R. Price, « le mot marron dérive de l’espagnol cimarron, dont la racine est arawak, originellement utilisé à Hispaniola pour désigner un animal domestique qui s’est échappé vers les hauteurs de l’île ». Dès le milieu du XVIe siècle, ce terme a servi à qualifier l’esclave fugitif dans toutes les colonies esclavagistes des Amériques, le marronnage étant alors devenu le meilleur moyen d’échapper aux mauvais traitements en vigueur dans les plantations et de se libérer du système colonial, en attendant l’abolition progressive de l’esclavage. L’historien Lucien Abenon souligne d’ailleurs, après Gabriel Debien, que « la notion du marronnage est inhérente à la société esclavagiste ».

Cependant, bien que les Marrons aient menacé la société esclavagiste, ils ne l’ont nulle part renversée, hormis dans l’expérience saint-dominguoise. Si dans certaines régions des esclaves ont réussi à créer et à établir de manière permanente des sociétés marronnes, telles que les Quilombos et les Mocambos du Brésil, les Maroons de la Jamaïque, les Palenques, et les Aripaeños du Venezuela, les Caraïbes noirs de Saint Vicent (….) La plupart des colonies n’ont connu que le petit marronnage sans lendemain, l’échec ayant frappé les groupes de fugitifs qui avaient tenté de survivre en marge de la société coloniale pour des raisons diverses telles que les expéditions punitives répétées, menées par les milices ou les troupes coloniales ou encore la lassitude des marrons confrontés à des conditions de vie difficiles et périlleuses dans les bois.

Plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour expliquer les réussites comme les échecs de ces tentatives de marronnage : l’ampleur de la colonisation, la capacité militaire du colonisateur à éradiquer le phénomène de désertion, l’instrumentalisation par le pouvoir colonial des Marrons pacifiés, voire des Amérindiens, dans la lutte contre les bandes d’esclaves fugitifs, l’étendue géographique de la colonie, la prise de conscience plus ou moins profonde des esclaves de la possibilité d’une vie meilleure hors de la plantation, l’importance du nombre d’esclaves à pratiquer le grand marronnage, les dissensions entre les esclaves marrons. De nombreux colloques relatifs à l’esclavage sur le continent américain ont étudié la traite négrière transatlantique, les activités des esclaves, leurs conditions de vie, la contribution de l’esclavage au développement du capitalisme, les conséquences de cette pratique au sein des sociétés concernées, les enjeux mémoriels liés à cette histoire. A ce niveau d’étude globale de l’esclavage, le colloque proposé en ajoute un second, plus restreint, à savoir l’étude du refus de l’esclavage et des conséquences qui en découlent jusqu’à nos jours.

Le projet de notre rencontre vise donc à éclairer la construction des sociétés marronnes des Amériques et à interpréter ses variables à l’échelle nationale ou locale, dans une perspective historique aussi bien que contemporaine. La totalité des anciennes colonies esclavagistes du plateau des Guyanes et des Antilles sont convoquées dans les travaux de ce colloque. Nous allons pouvoir nous interroger sur les continuités ou les discontinuités entre des séquences historiques, séparées par les différentes dates de pacification et d’abolition de l’esclavage. Toutes les variables sociales et culturelles (religions, musiques, danses, littératures orales, inventions d’ordre technique, peinture et sculpture…) seront croisées au sein des aires anglophone, hispanophone, lusophone, néerlandophone et francophone.

Nous envisagerons donc la question du marronnage et du sort des sociétés qui en sont issues dans une perspective non seulement historique, mais aussi dans la perspective d’établir un inventaire de leurs différents héritages culturels.

Ce colloque prend particulièrement en compte le volet bushinengue et amérindien des Guyanes, afin de travailler à la construction scientifique d’une histoire parfois commune. En effet, les populations amérindiennes ont elles aussi connu l’esclavage au début de la colonisation, avant d’en être épargnées, à des dates différentes suivant les territoires. Pourtant ces populations, à l’instar des sociétés issues du marronnage, les Bushinengue notamment,semblent ne pas trouver pas leur place dans les commémorations liées au passé esclavagiste.

La justification de ce colloque se trouve ainsi dans la nécessaire transmission de l’histoire de ces groupes, à l’image de ce qu’écrivait Isabel Allende dans le préambule de son roman, D’amour et d’ombre : raconter « afin que le vent ne l’emporte ».

Nous espérons parvenir ainsi à restaurer une mémoire et une histoire parfois manipulées, instrumentalisées, tronquées.

Le second motif est de contribuer à une vulgarisation desrecherches scientifiques effectuées par des chercheurs extérieurs aux groupes en question, de les faire partager par les communautés qui portent cette histoire, enfin d’intégrer le bilan des recherches à l’histoire de la Guyane et de la France. En effet, malgré la publication de monographies savantes aux Pays-Bas, dans le monde anglo-saxon, au Surinam ou en Guyane française, le nombre d’ouvrages de synthèse historique relatif aux Amérindiens et aux Marrons bushinengue reste limité pour ne pas dire inexistant. Le troisième motif est de rendre visible « la plus grande population marronne du monde entier hier comme aujourd’hui » (K. Bilby), dans les programmes de recherche et d’enseignement sur les esclavages et la traite négrière des universités françaises qui n’accordent actuellement pas au marronnage la place que lui reconnaissent les universitaires et chercheurs d’Amérique du Nord et de la Caraïbe non francophone.

C’est l’ensemble des justifications de ce colloque qui nous déterminent à oeuvrer pour la publication de cette histoire, afin de mettre en lumière les actes fondateurs aux retombées probablement encore fécondes.

Comité de pilotage :

Membres de l’APFOM (Jean Moomou, Julie Sélé, Paul Bakaman, Lienga Randolf, Jean- Claude Amaïkon, Auguste Richenel, Jocelyne Méda, Chantal Bantifo, Millie Dimpay, Sergine Kokason, Lucienne Bakaman, Schirley Abaakamofou, René-Carlo Landveld, Jacques-Philippe Safel, Jean-Luc Maïs, Amission Momou, Stéphane Saéfa, Robert Amaïkon, Nathalie Agoudouman, Marie-France Naïsso, Félix Germany, Jacqueline Sabayo, Emmanuel Bendayo), membre de l’APHG-G (Jacqueline Zonzon, Sarah Ebion) et autres : Suzana Daninthe, Isabelle Roussin, Annie Perier, Jean Laquitaine, Valérie Casimir, Mylène Francius, Aline Casimir, Michel Colardelle, Marie-Paule Truel-Belmas.

Programme du colloque :

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