Pier Larson

Pier M. Larson est né à Paris en 1961. Fils d’enseignants et missionnaires américains, il a passé son enfance dans le sud-est de Madagascar. Il s’est rendu aux États-Unis au début des années 1980 pour suivre une formation universitaire. Il a obtenu une licence d’histoire à l’université du Minnesota en 1985, et un doctorat en histoire africaine à l’université du Wisconsin-Madison en 1992. Pier Larson a fait une brillante carrière d’enseignant et de chercheur. Il a intégré en 1998 l’université John Hopkins de Baltimore, dans le Maryland, en tant que professeur assistant. Il a été nommé en 2003 professeur associé, puis professeur en 2008. Il a également été professeur invité à l’Institut d’études politiques de Madagascar, à Antananarivo, et directeur du programme d’études internationales de l’École Krieger en 2013-2014.

Pier Larson était un historien de l’Afrique, spécialisé sur l’Afrique orientale et australe, l’empire français de l’océan Indien et les îles de l’océan Indien occidental. Ses recherches se sont concentrées sur Madagascar et ses îles voisines, avec un intérêt particulier pour l’histoire sociale, culturelle et intellectuelle depuis le début de l’époque moderne jusqu’au milieu du xixe siècle. Il a écrit plusieurs ouvrages de référence et de nombreux articles sur l’esclavage, les traites des esclaves, la diaspora africaine en général, et la diaspora malgache en particulier. Il a contribué à de nombreuses revues scientifiques, parmi lesquelles Slavery and Abolition, William and Mary Quarterly, American Historical Review, Journal of Southern African Studies et International Journal of African Historical Studies.

Éminent spécialiste de Madagascar, Pier Larson s’est distingué par une connaissance exceptionnelle des archives royales malgaches. Son expertise était fondée sur une recherche approfondie dans des archives disséminées à travers l’Europe, l’Afrique et les îles du sud-ouest de l’océan Indien. Parlant lui-même couramment le malgache, le français et l’anglais, il a aussi réalisé de nombreuses interviews au cours de ses séjours à la Grande Île. Ses travaux ont constitué un apport majeur à l’historiographie de l’esclavage de ces trois dernières décennies à Madagascar. Pier Larson a ainsi contribué aux ouvrages L’Esclavage à Madagascar. Aspects historiques et résurgences contemporaines, édité par Ignace Rakoto et publié en 1997 par l’Institut de civilisations, musée d’Art et d’Archéologie (Antananarivo, Madagascar), et La route des esclaves. Système servile et traite dans l’est malgache, édité par Ignace Rakoto et Eugène Mangalaza, et publié en 2001 chez L’Harmattan (Paris, France).

Son premier livre, History and Memory in the Age of Enslavement: Becoming Merina in Highland Madagascar, 1770–1822, publié en 2000 chez Heinemann (Portsmouth, NH), examinait l’impact de la traite des esclaves externe sur la politique, l’économie et la culture de la société des Hautes-Terres centrales de Madagascar à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. En s’intéressant aux personnes qui ont été laissées derrière, l’auteur abordait des sujets tels que les origines de la traite des esclaves, et la façon dont celle-ci a influencé les cultures et les identités locales et a globalement transformé la vie quotidienne des Malgaches des Hautes-Terres.

Pier Larson a aussi examiné les dynamiques de la diaspora malgache dans les sociétés importatrices d’esclaves, comme à l’île Maurice. Son livre Ratsitatanina’s Gift: A Tale of Malagasy Ancestors and Language in Mauritius, paru en 2009 aux Presses de l’université de Maurice, a été le premier livre publié par le Centre de recherches sur l’esclavage et l’engagisme (CRSI) de l’université de Maurice.

L’ouvrage qui a sans doute fait la grande renommée de Pier Larson est le fameux Ocean of Letters: Language and Creolization in an Indian Ocean Diaspora : publié chez Cambridge University Press en 2009, il a reçu le prix Wesley-Logan 2010 du livre sur l’Histoire de la diaspora africaine de l’American Historical Association, et a été finaliste du prix 2010 du livre Melville Herskovits 2010 de l’African Studies Association des États-Unis. Cette étude approfondie de la diaspora malgache dans les îles du sud-ouest de l’océan Indien ainsi que le long de la côte orientale de l’Afrique du XVIIe au XIXe siècle, a ouvert de nouvelles perspectives sur la complexité culturelle et linguistique du sud-ouest de l’océan Indien.

Dans cet ouvrage, Pier Larson présentait une étude sur l’impérialisme et la créolisation au sein de la diaspora de langue malgache, qui apparaissait au début de la période moderne comme la plus grande diaspora africaine de l’océan Indien. L’ouvrage jetait un nouvel éclairage sur les rôles de l’esclavage, de l’émancipation, des voyages océaniques, des missions chrétiennes et de la linguistique coloniale dans l’alphabétisation en langue malgache à travers les îles de l’océan Indien occidental. L’auteur y explorait la façon dont des Malgaches esclaves et libres, ainsi que certains colons et missionnaires européens, ont promu la langue malgache : il s’intéressait ainsi aux projets d’alphabétisation et à la rédaction de lettres dans les sociétés coloniales multilingues du sud-ouest de l’océan Indien, entre le XVIIe et le milieu du XIXe siècle.

Pier Larson était en train de travailler sur plusieurs projets de livres. L’un était une histoire de l’alphabétisation et du pouvoir dans les Hautes-Terres de Madagascar entre 1820 et 1860, qui explorait les archives des missionnaires et les archives du royaume de Madagascar. Un autre projet était la biographie d’une famille métisse d’origine libre installée en île de France (Maurice). Il abordait ainsi, à travers l’expérience d’une famille, l’histoire de l’empire français de l’océan Indien entre 1750 et 1850. Il était surtout en train de concevoir une grande œuvre autour de la première colonisation française de Madagascar à Fort-Dauphin au XVIIe siècle.

Pier Larson est mort le samedi 25 juillet 2020. Il avait 58 ans. Il laisse dans le deuil sa femme, Michelle Boardman, et son fils, Anthony Larson. Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis, à ses collègues et à ses étudiants.

Pier Larson était un grand historien, un humaniste, qui partageait l’amour de son métier. Il rappelait qu’il y avait de l’Histoire dans la Mémoire, et de la Mémoire dans l’Histoire. Nous suivrons le chemin qu’il a tracé, entre différents continents et îles. Pier a rejoint les razana (« ancêtres »). Nous garderons son souvenir.

Klara Boyer-Rossol
Docteure en histoire de l’Afrique
Centre international de recherches sur les esclavages & post-esclavages (CIRESC)

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